Soyez chiens, ne donnez rien

12 décembre 2006

Bon j'espère que vous n'avez pas fait de conneries ce week-end, que vous n'avez pas fait de promesses de don au téléton. Quoi ? Hein ? Le record de dons a été battu. Mais vous avez fait ça alors ? Oh mais putain y'avait une connerie à ne pas faire ce week-end, pas deux, une seule et vous l'avez faite (vous, vous voyez la case connerie, vous ne réfléchissez pas une seconde, vous sautez dedans à pieds joints), vous êtes vraiment irrécupérables, une vraie bande d'humanistes. Pourtant c'est quand même pas difficile d'être chien, il suffit de faire comme moi, il suffit de ne rien faire, de dormir dans une corbeille Louis Vuitton seize heures par jour en attendant la bouffe (en ce moment : deux tranches de fois gras truffé, une merveille). Bon je vous pardonne, ça va pour cette fois mais à l'avenir faites un effort : soyez plus chiens. Et puis, pour cette fois, tout n'est pas perdu, rassurez-vous, il n'est pas trop tard, cette erreur est rattrapable. Une promesse n'est rien d'autre qu'une promesse et comme le dit souvent mon maître : les promesses n'engagent que ceux qui y croient (bien qu'il prétende le contraire, je crains que cette formule ne soit pas vraiment de lui, j'ai déjà entendu ça quelque part, il ne faut pas lui dire, ça l'énerve, mais parfois il pompe des trucs à droite à gauche, surtout à droite d'ailleurs). Maintenant que les images soi-disant émouvantes du téléton se sont dissipées, réfléchissez calmement trente secondes : est-ce que c'est bien raisonnable de vous délester de 5, de 10, de 20, voire pourquoi pas de 30 euros pour les plus généreux, à quelques semaines des soldes d'hiver, voyons, soyez raisonnables, pensez à votre gueule (moi par exemple, je ne pense qu'à ma gueule : c'est une question d'éducation, je sais bien que tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents sarkozistes mais enfin éduquez-vous, pour les plus jeunes d'entre vous, il n'est peut-être pas trop tard).
Pardonnez-moi, ce que je viens d'aboyer est injuste (je suis un chien, je suis forcément un peu bête), je devrais être plus reconnaissant avec le téléton car je dois à ce marathon (immobile) du grabataire un de mes plus grand moment de bonheur familial. C'était il y a quelques années, nous étions tous (Mon Maître, Cécilia, Louis et Moi) installés devant le gigantesque Home Cinéma familial, morts de rire face à l'hilarant spectacle (télé thons) annuel qu'offre ces enfants se bavant dessus, maladroitement juchés sur leurs rutilants fauteuils roulants, des tubes dans tous les orifices (bouches, nez, etc.) lorsque Mon Maître, écroulé de rire, s'exclama : "si j'étais le père d'un gamin comme ça, je le foutrais au caté, comme ça, avec un peu de chance, un tube, il en aurait aussi un dans l'cul et puis [rire], ça serait pour lui une découverte plutôt ludique de la sexualité, non ?". Immense éclat de rire général. Vous voyez, on sait rigoler chez les Sarkozy. Quand j'y pense qu'est-ce qu'on s'amuse parfois dans cette petite famille. Ce jour-là, après ce trait d'esprit bien inspiré, il s'est levé d'un bon, s'est précipité sur le téléphone, a composé le 36 37 et a déclaré en se mordant l'intérieur des joues pour ne pas exploser de rire : "oui, bonjour Madame, je suis extrêmement touché par la souffrance de ces enfants et je souhaite faire une promesse de don de 5000 euros". La téléopératrice lui a demandé à plusieurs reprises de confirmer sa promesse. Il a confirmé puis, après avoir salué "l'infiniment respectable dévouement de la téléopératrice", il a raccroché en s'écroulant de rire à nouveau et en hurlant : "ils n'auront rien, que dalle, nada, qu'ils crèvent tous ces estropiés, ces amoindris, ces mal finis, ces grosses merdes !!!". Vous voyez, si vous avez fait une promesse de don et que vous avez des scrupules à ne pas la tenir, Mon Maître vous montre le chemin, c'est un guide Mon Maître. Alors faites comme lui, ne vous encombrez pas de scrupules inutiles.
Une raison de plus de ne rien donner : pour les chiens, le fauteuil roulant représente un immense espoir. Lui seul permet de placer l'homme au niveau du chien (et puis qu'est-ce qu'on est bien installés sur les genoux d'un paralytique, contrairement à Mon Maître, eux, ils ne sont pas tout le temps en train de gesticuler). Alors pour que les chiens puissent enfin regarder les hommes dans les yeux, je dis : vive le fauteuil roulant. Oeuvrons ensemble pour le développement du fauteuil roulant, un seul exemple : sur la route, celui qui conduit, c'est celui qui accélère, qui accélère et qui accélère encore. Jusqu'où ? Jusqu'au mur pardi. Accélérez, vous êtes pressés. Et en mai prochain, on élit Mon Maître dans un fauteuil.