Doc Doc Doc
Ca fait plusieurs mois déjà que je veux vous présenter mon nouveau pote. Ben voilà c'est lui, c'est Doc, il est vraiment super cool et pas con du tout en plus. Depuis qu'il est devenu ami avec Mon Maître, il lui arrive souvent de venir me garder au ministère. Ce qui est bien avec lui, c'est qu'il ne me réveille jamais avant 16h, ça me change de Mon Maître pour qui une grasse matinée, c'est 7h45 grand max. Avec Doc, la vie c'est les grandes vacances : il ne me brosse jamais, ne me nettoie pas les dents, ne me fait pas prendre de bain, ne m'oblige pas à pisser là et pas là..., bref il ne me force pas à faire ce que lui ne fait pas parce qu' il faut bien reconnaître qu'il est tellement cool qu'il n'est pas très propre Doc (contrairement aux filles qu'il apprécie : les filles, lui, il les aime très propres mais avec des pensées très sales), il n'est pas très propre donc Doc, je dirais même que c'est le seul ami de Mon Maître (à l'exception bien sûr de Brice) qui a une plus mauvaise haleine que moi. Mais moi je m'en fous, son haleine, elle ne me dérange pas, elle me rend même nostalgique : elle me rappelle l'étrange fumet qui s'échappait de la grosse gueule édentée de feue ma vieille mère : un mélange de jus de chaussettes chaudes, de pizza quatre fromages tiède et de tabac froid. En parlant de pizza, ce que j'apprécie par-dessus tout quand Doc me garde c'est que je peux bouffer un peu ce que je veux, tenez la dernière fois, vous savez quoi, j'ai dégusté quatre énormes homards accompagnés de deux tranches de rosbif. Et Doc et moi, on boit souvent du champagne mais chut, ça, il m'a fait jurer sur la tête de Patrick Devedjean de le garder pour moi parce qu'il dit que les caves du ministère, c'est le con-tribuable qui les approvisionne et que le champagne payé par le con-tribuable, c'est pas pour les chiens (c'est pour qui alors ?). Comme il est super drôle Doc, il a fait un excellent jeu de mot avec "contribuable" en disant que lui, il veut bien être tribuable mais qu'il ne veut pas être con et que c'est pour ça qu'il doit 700.000 € au fisc puis, en éclatant de rire, il a ajouté de sa belle voix traînante : "aller ne soyons pas chiens chienchien, buvons à la santé des cons, des cons qui contribuent à notre ivresse". A propos des homards que j'ai bouffés il a déclaré un truc d'une profondeur abyssale : "les homards c'est comme les clowns de banlieues, plus ils sont cuits, plus ils sont rouges", une phrase tellement profonde (à cette profondeur là même les homards se noient) que je n'ai toujours pas très bien compris là où il a voulu en venir mais ça ne m'étonne pas, ça m'arrive souvent de ne pas comprendre quand un intellectuel parle. Et Doc, c'est un vrai intellectuel (il écrit des bouquins), par exemple sur les banlieues, il en connaît un rayon, il est né dans le dix-huitième (arrondissement pas siècle), c'est vous dire si c'est son truc les banlieues, c'est un Doc ès banlieues. A moi qui n'ai jamais mis une papatte en banlieue (de peur de me faire égorger dans une baignoire), il m'apprend plein de trucs sur les moeurs des habitants de ces contrées reculées : leur langue (par exemple, "ouech gros, t'as pas des feuilles tu vois, t'as vu" ça signifie : "Pardonnez-moi de vous déranger cher Monsieur, puis-je vous demander si vous disposeriez à tout hasard de quelques grammes d'herbes exotiques, je souhaite en fumer quelques volutes afin de m'extraire, l'espace de quelques minutes, de mon douloureux quotidien"), leur mode de vie (en gros dodo-dodo-dodo et les zéro huit), leur spiritualité (prier le plus souvent possible, jour et nuit, en s'orientant vers je ne sais plus trop où), leurs habitudes alimentaires (du gras, des calories, du lourd le tout inondé de coca non light et pas de porc ou de dérivés de porc) leur sexualité même (souvent inexistante, parfois dans des caves, avec des méthodes de séduction musclées : en cas de refus, la fille est brûlée vive), tout y passe. C'est bien simple tout ce que je sais sur la banlieue, c'est Doc qui me l'a appris, c'est un vrai érudit Doc, sans lui je ne me serais jamais intéressé aux vies en apparence ternes et sans relief de ces tribus sauvages. Sans lui je ne saurais pas que les apparences, parfois, ne sont pas trompeuses du tout. S'il m'apprend tout ça Doc, c'est parce qu'il m'adore ou plutôt c'est parce qu'il adore Mon Maître. Mon Maître, il le dit souvent, c'est son petit maître à penser (je ne sais pas pourquoi il dit "petit"), même qu'il connaît l'oeuvre de Mon Maître sur le bout des doigts, il peut en citer dans le texte des passages entiers (Cf. Gynéco Doc, Les grands esprits se rencontrent, Ed. du Rocher, 2007). Souvent, après avoir tiré quelques lates sur ce qu'il appelle le cigare du lascar, il se lève brusquement et se met à déclamer : "le rôle de la politique est de proposer un avenir et de le permettre", ton Maître dans son chef d'oeuvre Témoignage, en 2006" ou encore : "La langue de bois quand tout va bien peut satisfaire un temps. Quand tout va mal, c'est impossible", encore ton Maître dans Libre en 2000, chienchien, je n'ai qu'une chose à dire, ton Maître, c'est un génie". Doc, il attend avec impatience la parution du petit livre bleu de Mao Maître. Moi je l'aime bien Doc mais il m'inquiète un peu quand même : je crains qu'un jour le disciple dépasse Mon Maître.