Lost in Elysée

22 mai 2007

Ca fait une semaine que nous sommes au palais et je m'y perds encore, c'est grand ici, vous ne pouvez pas imaginer à quel point c'est grand. C'est tellement grand que j'ai perdu tous mes repères moi. Ici, quand j'aboie : ouaf, ouaf, ouaf, ouaf eh bien ça résonne beaucoup mais personne ne m'entend et donc personne ne s'inquiète pour moi, c'est bien la peine que ça résonne autant, ouaf ouaf ouaf. Tout ça pour ça. Ouaf, Ouaf : y'a quelqu'un ? Hé ho y'a quelqu'un là-dedans ? Hou hou, c'est moi, chienchien. Brrrr ce silence, toutes ces pièces, ça commence vraiment à me foutre la trouille cette histoire. Avant, Place Beauvau, quand je m'amusais à donner de la voix, plusieurs huissiers se précipitaient pour s'assurer que tout allait bien, que je ne manquais de rien et que j'aboyais juste parce que mon statut de chien à Mon Maître m'autorise à déranger des gens payés pour l'être (peu, Dieu merci) et me permet d'une manière générale de faire à peu près tout ce que je veux, quand je veux. Etre le premier chien de France, ça a des avantages : je peux aboyer sans raison, courir sans raison, faire mes besoins sans raison. Par exemple, il ne faut pas le répéter mais avant de quitter le ministère de l'intérieur, j'ai bu beaucoup d'eau (de source) et je suis allé pisser sur tous les tapis, comme ça sans raison, juste parce que j'en avais très envie et que, après tout, eux aussi, les tapis, ils le valent bien, ils valent bien un peu de pisse (de source sûre) officielle, non ? C'est pas vous qu'on piétine à longueur de journées ? Comment ça si ? On vous piétine aussi ? Euh... alors, ne bougez pas, je reviens, je vais boire un peu d'eau. Oh et puis je m'en fous, quelqu'un n'a qu'à s'amuser à révéler à Mon Maître mon penchant pour les tapis, de toute façon je ne risque rien. Vous l'imaginez interrompu en pleine conversation téléphonique avec, au hasard, son maître à lui, Georges Bush, par un type qui lui dirait : "Excusez-moi de vous dérangez Monsieur le Président mais je me permets de vous interrompre quelques secondes car je viens de m'apercevoir que votre chien, sans doute dans un moment d'égarement tout à fait pardonnable, s'est oublié sur un des tapis de la salle des fêtes, aussi je souhaiterais que Monsieur le...". A coup sûr le malheureux n'aurait pas le temps de finir sa phrase, Mon Maître n'oublierait pas de l'envoyer faire la queue aux toilettes de l'ANPE de Créteil en pestant : "me déranger en personne pour ça, je ne suis pas dame pipi, je suis Président de la République, vous êtes complètement con ou quoi ?". Comment pourrait-il m'en vouloir Mon Maître ? Comme tous les chiens, je ressemble beaucoup à Mon Maître et au fond, lui et moi, nous sommes deux ambitieux. Mon Maître a l'ambition de laisser une trace dans l'histoire et moi d'en laisser une sur les tapis. Sur tous les tapis qui ont l'honneur de se faire marcher dessus par mes nobles papattes officielles. Si je pouvais aussi en laisser une dans l'histoire de trace, bien sûr je ne ~~pisserais~~ cracherais pas dessus mais pour cela il faudrait que les mecs qui écrivent les bouquins d'histoire pensent un peu à moi, c'est quand même pas bien compliqué d'écrire à propos de Mon Maître : "Nicolas Sarkozy (1955- ), Maître du célèbre chienchien (voir p. 1654), plus grand homme politique français du XXIème siècle, Président de la République française de 2007 à etc., etc., etc." C'est pas la peine d'avoir fait autant d'années d'études pour ne pas penser à moi, pour m'oublier. Bon moi je raconte tout ça mais après m'être oublié sur un tapis, avoir été oublié par les historiens, j'ai oublié mon chemin, je suis complètement paumé ici, j'aurais dû penser à mon GPS à moi : pisser partout pour pouvoir me suivre à ma trace. Hé ho je suis là, y'a quelqu'un. Oui ? Non ? Si c'est une blague c'est pas drôle hein... Bon je vais compter jusqu'à trois, si à trois personne ne vient me chercher, y'a plein de tapis ici et je vous prie de croire que je vais m'en occuper, je vais tapipisser partout, ça va être un vrai feu d'artipisse. Alors attention je commence à compter : un...deux...